"Mais avec Gwama bambine, la vie est devenue plus dure. Elle réclamait toute mon
attention, c'était difficile pour moi qui était très fatiguée. Je jouais avec elle dès que je le pouvais, je lui
avais acheté un petit xylophone pour qu'elle puisse s'amuser et en même temps nous offrir un concert gratuit!
Le silence est encore plus pesant lorsque l'on est caché dans une cabane au fond de la forêt, alors quand Gwama
jouait ça mettait un peu de gaîté, même si elle n'avait pas de partition, tout ce qui lui importait c'était de
faire du bruit! Elle était ravie lorsque je participais avec elle, en donnant quelques coups sur son xylophone.
Et quand ce n'était pas moi, c'est son nounours qui passait l'action, elle le prenait dans ses bras et lui faisait
taper sur son xylophone. Au départ, elle voulait que le nounours fasse tout lui-même, mais
elle s'est aperçue très vite que Teddy ne pouvait pas bouger tout seul, alors elle avait
entrepris de lui apprendre comment faire!
Elle était très amusante, tout cela m'a manqué lorsque je... lorsque je l'ai abandonnée devant
la porte de Mekhi. Dès ce moment là, une partie de moi était partie, je n'étais plus moi-même.
La décision de laisser Gwama à son père n'a pas été facile à prendre.
D'un côté je voulais la garder avec moi mais d'un autre je savais que je ne pouvais pas
continuer dans cette voie là. Pourquoi je ne me suis pas présentée chez Mekhi? Je savais que
j'étais recherchée et je ne voulais pas prendre le risque que Mekhi soit découvert. Je sais
qu'avoir laissé Gwama dehors dans la nuit est la chose la plus stupide que j'ai pu faire. Il
aurait pu lui arriver tout et n'importe quoi. J'étais vraiment inconsciente d'avoir fait ça.
Inconsciente mais totalement déboussolée. Le regard de Gwama lorsque je l'ai déposée par terre
m'a fait fondre en larmes. Je suis vite partie, sans même me retourner, sinon je n'aurais pas
pu m'empêcher de revenir sur ma décision. Je ne sais pas à quoi je pensais, heureusement que
Gwama n'a pas été se promener à quatre pattes dans le quartier.
Je pense qu'elle a dû dormir en fait, le voyage que nous avions fait avait été très long, il
n'était pas aisé de se promener avec un berceau en pleine forêt... Une fois en ville je me
suis décidée à faire venir un taxi, sinon le voyage serait devenu impossible.
De retour dans ma cabane, je n'ai ni mangé ni dormi pendant plusieurs
jours. J'ai ensuite appelé Logan d'une cabine téléphonique. Il m'a tout de suite demandé où
j'avais la tête de laisser une petite fille toute seule dehors. Je me suis mise à pleurer mais
dans un sens j'étais soulagée, Mekhi avait bien trouvé Gwama lorsqu'il s'était réveillé.
Et puis la vie a continué, comme elle pouvait. J'envoyais quelques lettres à Mekhi et Logan
de temps en temps mais je ne pouvais pas recevoir de réponses, ce qui me pesait énormément.
J'étais toujours bloquée dans ma cabane au fond de la forêt et je ne voyais pas à l'époque
comment j'allais pouvoir m'en sortir.
L'argent a commencé à faire défaut il y a de cela un an. J'ai pensé à ce que je pouvais bien
faire pour en gagner et après m'être rendue compte que je ne pouvais pas subvenir à mes
besoins, je me suis décidée à appeler Logan. Il a accepté de me donner un peu d'argent chaque
mois, à une seule condition : que je donne de mes nouvelles au moins deux fois par mois et
que je lui promette que nous nous reverrions un jour. Logan déposait 1 000 SimFlouzes chaque
premier du mois dans une boîte aux lettres que nous avions transformé lorsque nous étions
adolescents.
Ma situation empirait de jour en jour et cette dizaine d'années dans
la clandestinité m'avait affaiblie physiquement et moralement. Ce qui devait arriver arriva et
lors d'une de mes rares sorties en ville pour le ravitaillement, je me suis évanouie en pleine
rue, à la vue de tous.
Quelqu'un à dû appeler une ambulance car quand je me suis réveillée, j'étais de retour dans
l'hôpital où j'avais accouché de Gwama. Le médecin urgentiste m'a reconnue sur le champ et à
tout de suite appelé le SFBI. Je savais que tout était fini.
Je savais aussi que je n'allais pas tarder à vous revoir. J'étais à la fois excitée et à la
fois terrorisée. Je redoutais cette rencontre autant que vous, je le pense. Je n'arrivais pas
à dormir, je ne cessais pas de penser à ce qui allait se passer. Le médecin a été obligé de me
donner des médicaments pour que je puisse enfin me reposer vraiment.
J'avais quelques carences alimentaires, je ne mangeais pas équilibré du tout, c'est le moins
que l'on puisse dire, et puis il est arrivé plusieurs fois que je ne mange pas pendant
plusieurs jours, je n'en avais simplement pas envie.
Deux agents sont venus me chercher quelques jours après, une fois que
le médecin m'ait remise sur pied. Puis j'ai passé la nuit en cellule. C'était déjà de trop
pour moi. Je n'ai presque pas dormi de la nuit, j'ai passé tout mon temps à réfléchir à ce
que je pouvais bien leur dire le lendemain. Il n'était pas question pour moi de ne rien dire,
cette histoire avait duré beaucoup trop longtemps, il fallait en sortir le plus vite possible.
Dans cette cellule froide, je me suis sentie plus seule que jamais. Je n'ai cessé de penser au
moment où j'allais révéler l'existence de Mekhi aux agents du SFBI et donc au Gouvernement.
J'ai toujours eu peur de ça. J'ai toujours eu peur d'une mauvaise utilisation de la
technologie que nous avions inventé, Logan et moi.
C'est cette nuit là que j'ai vraiment réalisé tout ce qui c'était passé, tout ce que j'avais
fait. Auparavant, j'étais simplement dans le feu de l'action et je ne pouvais plus réfléchir
correctement. J'ai fini par m'endormir mais pas pour longtemps, seulement une ou deux heures,
car les deux agents sont alors venus me chercher pour m'interroger.
Une fois arrivée dans la salle d'interrogatoire, je leur ai tout
raconté, comme je le fait pour vous trois ce soir. Je pense qu'ils s'attendaient à ce que je
reste muette, mais ce n'était pas mon intention.
Des scientifiques du Gouvernement sont venus le lendemain, ils étaient très impressionnés par
le travail que Logan et moi avions fait, ils en avaient eu un petit aperçu grâce à une
photographie de Gwama à sa naissance prise par le médecin.
Ils voulaient savoir comment nous avions fait, quels étaient les secrets de fabrication de
Mekhi. Mais cette fois-ci j'ai refusé de parler. Jamais ils ne sauront tout ça, je n'ai pas
envie que de telles informations passent dans de mauvaises mains.
Hum... voilà... je pense avoir tout dit..."
Alicia s'arrêta là et le silence s'installa. Personne n'osait parler, Gwama s'était mise à
pleurer et je l'avais prise dans mes bras. Nous nous posions tous la même question : et
maintenant, qu'allait-il se passer?